La vie normale
Antoine Donzeaud, Ben Elliot, Gaspar Willmann
Exo Exo, Paris
June 10 - July 10, 2021
press release
La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
Antoine Donzeaud,
Normal Life (edit 3), 2021
Spray paint and dust on polythene, digital video on flat screen TV, wood, hardware
186 x 120 cm
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Antoine Donzeaud,
Normal Life (edit 3), detail, 2021
Spray paint and dust on polythene, digital video on flat screen TV, wood, hardware
186 x 120 cm
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La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
Ben Elliot,
Perfect Painting (Red, blue, yellow, grey), 2021
Inkjet print and acrylic on canvas
145 x 125 cm
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La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
Gaspar Willmann,
Heure dorée, 2021
Plywood, double-pane window, LED lamp, parabole, vent, socket, acrylic
198 x 125 x 76 cm
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Gaspar Willmann,
JUMAP (even by phone), 2021
Inkjet print and oil on canvas
36 x 28 cm
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La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
Antoine Donzeaud,
Normal Life (edit 2), 2021
Spray paint and dust on polythene, digital video on flat screen TV, wood, hardware
199 x 110 cm
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Antoine Donzeaud,
Normal Life (edit 2), detail, 2021
Spray paint and dust on polythene, digital video on flat screen TV, wood, hardware
199 x 110 cm
Inquire
La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
La vie normale, 2021
Exhibition view, Exo Exo, Paris
On était assis avec Antoine sur le banc devant Exo, quand il m’a dit « La vie normale, c’est la vie que t’as pas. » Qu’on la fuit ou qu’on la recherche, la vie normale n’est en fait qu’un ramassis de projections. Là tout de suite, pour beaucoup d’entre nous, la vie normale c’est aussi banal que retrouver ses ami.e.s, aller en terrasse d’un café, se déplacer librement, retourner travailler ou aller au musée. Antoine, Ben et Gaspar interrogent justement les représentations que nous nous faisons de ces territoires de normalité. Chez Gaspar, c’est lié aux espaces de vie et de travail, la manière dont on habite ces lieux. Chez Antoine, ce sont les affects et les liens sociaux qui recherchent une forme de standard dans leurs expressions tandis que chez Ben c’est la figure de l’artiste elle-même qui s’amuse à définir une universalité des goûts. La vie normale est un fantasme nourrie de nos imaginaires, de nos aspirations et de nos échanges sociaux, en fonction aussi de si « normal » c’est ce que l’on souhaite ou ce que l’on ne souhaite pas.
Nous en avons discuté tous les quatre. Ici sont retranscrits des extraits de nos échanges.
Gaspar Willmann : J’ai grandi dans une station balnéaire. De fait, c’est un endroit où l’on passe et où on consomme des choses standards : l’habitation optimisée pour la famille, la boîte de nuit unique qui ressemble à un décor de cinéma, etc… Les comportements du vacancier sont aussi les mêmes, car ils sont tous là pour les mêmes raisons. Mais une fois la saison terminée, un vide s’installe.
Ben Elliot : Je trouve intéressant de laisser la technologie générer via les data qu’on génère nous-même, parce qu’elle le fait de mieux en mieux et mieux que nous. Simuler les standards de goût, c’est une stratégie pour construire une œuvre la plus valide possible, pour séduire les gens, leur donner envie d’acquérir. Quoi de plus facile à acheter qu’une peinture ? C’est vraiment l’objet le plus banal au monde.
G. W : Nos goûts sont intimement liés aux choses que l’on a vécu ou observés, d’où mon intérêt pour le déjà-vu. C’est comme ce qui fait un bon refrain dans une chanson populaire.
B. E : Dans ma série, la peinture est un objet banal qui pourtant remet un peu en cause les standards des gens.
Antoine Donzeaud : La banalité a quelque chose de rassurant pour moi, les espaces domestiques et les motifs communs du lit ou du canapé reviennent tout le temps dans mon travail parce qu’ils me rassurent. C’est l’idée d’un espace safe où t’es englobé, protégé. C’est aussi l’idée d’un lâcher prise. Je ne crée jamais de formes ex-nihilo mais je remploie des codes. Le canapé c’est vraiment pour moi l’emblème du foyer des années 90. Le canapé, la tv, c’était le duo gagnant des pavillons de banlieue. Je me souviens encore des gens qui disaient à l’école « Nous, on a pas de tv à la maison ». Je pouvais pas y croire. Je me disais « Comment font ces gens ?! »
G.W : La vie normale, c’est celle qui est écrite à l’avance, sans imprévu. Les vacances, c’est une semaine par an et le reste du temps un job 9 to 5. C’est se fabriquer des barrières, peut-être pour éviter de voir des choses qui dérangent ou trop réfléchir. La vie normale, c’est les bullshit jobs mais attention, être artiste c’est autant un bullshit job qu’être opérateur en télécommunication !
B. E : A la base, la peinture répond à un besoin d’exprimer visuellement des choses. Les tableaux étaient là pour pouvoir transporter les images. Tu ne pouvais pas faire de photos ! Aujourd’hui, tu peux te scanner en 3D ! Il faut évoluer avec les outils qui sont à notre disposition.
G. W : Ma « golden hour box » est un objet et un lieu commun qui rappellent le mobil-home, l’architecture balnéaire, la fenêtre PVC ou encore la lumière recherchée par les aficionados d’Instagram. Mais c’est surtout une quête technique et romantique de vouloir reproduire un soleil, pour les moments où on en a besoin.
A.D : Je me mets en scène à travers les personnages de mes vidéos. En chacun d’eux, il y a un bout de moi. Je sélectionne des morceaux de leur vie auxquels je m’identifie. T’as toujours tendance à penser que tu es unique émotionnellement, que les choses qui te touchent ne touchent que toi. Avec les réseaux, tu te rends compte que certains expriment avec une précision incroyable des émotions qui sont les tiennes. Ça me fascine. En fait, je voudrais être capable d’exprimer autant qu’eux. Personne n’est spécial au fond.
B.E : Par exemple, je faisais changer mon chauffe-eau chez moi il y a deux mois et le mec a vu un de mes tableaux dans mon salon et il m’a dit : « Excusez-moi, ça fait 20 minutes que je bloque dessus, c’est vraiment très beau, c’est vous qui l’avez peint ?” C’est le bagage historique de la peinture qui permet à tout le monde de l’apprécier sans barrière.
G.W : Le coucher de soleil et la nature morte répondent à ce cocktail de lieux-communs. Les notions de beau, joli - et leur négation - sont très importantes puisque ce sont les premiers adjectifs utilisés pour tenter d’exprimer un sentiment ou une opinion devant une œuvre d’art.
A.D : J’ai beaucoup d’empathie pour les gens que je vois sur les réseaux sociaux et que je mets dans mes vidéos. Ces gens me touchent, tous, pas que ceux qui pleurent. Je les trouve créatifs, la manière dont ils se mettent en scène est tellement inventive ! J’ai envie de puiser dans leurs petites histoires. Je suis un observateur ébloui par les gens qui ont l’air normaux. J’ai jamais aimé les stars, j’aime les underdogs, les challengers. J’aime pas l’idée d’avoir une idole. Je suis pas fan de, je suis fan des gens, des gens normaux.
G.W : C’est un modèle que je cherche à fuir, probablement lié au cocon dans lequel j’ai grandi : le fils du glacier est devenu glacier, la fille du poissonnier est poissonnière, et mon meilleur ami d’enfance a repris le job de location de jet ski de son père. De là, on a envie que cette matrice disjoncte un peu.
B.E : En jouant au peintre, j’avais l’impression d’offrir aux gens une expérience plus normalisée que d’habitude, de leur donner le bon contexte de l’art et de l’artiste. Avec la peinture, tu as un atelier, tu peux faire une résidence, tu peux présenter des œuvres et ces œuvres sont murales. Moi quand je suis dans mon bureau, devant mon ordi à présenter ma crypto, j’ai bien conscience que ce n’est pas ce que tous les gens attendent exactement, ou moins simplement. Mais l’art c’est pas censé être simple je crois.
– Propos recueillis par Elisa Rigoulet
We were sitting on the bench in front of Exo with Antoine, when he said to me: "Normal life is the life you don't have.” Whether you run away from it or seek it out, normal life is really just a bunch of projections. Right now, for many of us, normal life is as commonplace as meeting up with friends, sitting outdoors at a café, moving around freely, going back to work, or going to a museum. Antoine, Ben and Gaspar precisely question our representations of these territories of normalcy. According to Gaspar, it is linked to living and working spaces, and the way we inhabit these places. For Antoine, it is the affects and social ties that seek a form of standardization in their expressions, while for Ben it is the figure of the artist itself that defines a universality of tastes. Normal life is a fantasy fueled by our imaginations, our aspirations and our social interactions, whether "normal" is what we want or not.
The four of us discussed it. Here are transcribed extracts from our discussions.
Gaspar Willmann: I grew up in a seaside resort. In fact, it is a place where we pass and where we consume standard things: a family-optimized home, a unique nightclub that looks like a movie set, etc ... The behaviors of the vacationer are also the same, because they are all there for the same reasons. But once the season is over, a vacuum sets in.
Ben Elliot: I find it interesting to let technology generate through the data that we generate ourselves, because it is doing this increasingly better, and doing it better than we are. Simulating standards of taste is a strategy to build the most valid work possible, to seduce people, to make them want to acquire. What could be easier than buying a painting? It really is the most commonplace object in the world.
G. W: Our tastes are closely linked to things we have experienced or observed, hence my interest in déjà vu. It's like what makes a great chorus in a popular song.
B. E: In my series, painting is an ordinary object which nevertheless challenges people's standards a little.
Antoine Donzeaud: For me there is something reassuring in banality. Domestic spaces and the common patterns of the bed or the sofa come up all the time in my work because they reassure me. It’s the idea of a safe space where you are included, protected. It's also the idea of letting go. I never create shapes from scratch, but I use codes. The sofa is really for me the emblem of the home of the 90s. The sofa and the TV were the winning duo of suburban lodging. I still remember people saying at school, "We don't have a TV at home." I couldn't believe it. I was like, “How do these people do that ?! "
G.W: Normal life is one that is written in advance, excluding the unforeseen. Holidays are one week a year and the rest of the time a 9 to 5 job. It's building barriers, perhaps to avoid seeing things that bother you or lead to overthinking. Normal life is bullshit jobs, but beware, being an artist is as much a bullshit job as being a telecommunications operator!
B. E: Basically, painting responds to a need to visually express things. Paintings were there to be able to transport images. You couldn't take pictures! Today you can scan yourself in 3D ! We must evolve with the tools that are at our disposal.
G. W: My "golden hour box" is an object and a commonplace reminiscent of the mobile home, seaside architecture, PVC windows or even the light sought by Instagram aficionados. But it is above all a technical and romantic quest to want to reproduce a sun, for the times when it is needed.
A.D: I stage myself through the characters in my videos. In each of them there is a part of me. I select pieces of their life that I identify with. You always tend to think that you are unique emotionally, that the things that touch you only touch you. With social networks, you realize that people express your own emotions with incredible precision. It fascinates me. In fact, I would like to be able to express as much as them. No one is special deep down.
BE: For example, I was having my water heater changed at home two months ago and one of the guys saw one of my paintings in my living room and he said to me: “Excuse me, I've been stuck on it for 20 minutes, it's really beautiful, did you paint it? ” It is the historical baggage of painting that allows everyone to appreciate it without barriers.
G.W: The sunset and still life respond to this cocktail of commonplaces. The notions of beautiful, pretty - and their negation - are very important since these are the first adjectives used to try to express a feeling or an opinion in front of a work of art.
A.D: I have a lot of empathy for the people I see on social media and put in my videos. These people touch me, all of them, not just those who cry. I find them creative, the way they stage themselves is so inventive! I want to tap into their little stories. I am a dazzled observer of people who look normal. I never liked the stars, I like the underdogs, the challengers. I don't like the idea of having an idol. I'm not a fan of, I'm a fan of people, normal people.
GW: It's a model that I try to escape, probably related to the cocoon in which I grew up: the son of the ice-cream man became an ice-cream man, the daughter of the fishmonger is a fishmonger, and my best friend from childhood took over his father's jet ski rental job. We want this matrix to short-circuit a little from that position.
B.E: Playing the part of the painter, I felt like I was giving people a more standardized experience than usual, giving them the right context of art and artist. With painting, you have a workshop, you can do a residency, you can present works and these works are on walls. When I am in my office, in front of my computer presenting my crypto, I am well aware that this is not exactly what all people expect, or at least less simply so. But art isn’t supposed to be easy, I guess.
– Interview by Elisa Rigoulet, translation Cecilia Granara