Après tout, ça finira par passer
Adam Bilardi
Exo Exo, Paris
March 7 – April 13, 2024
Après tout, ça finira par passer, 2024
Exo Exo, Paris
Après tout, ça finira par passer, 2024
Exo Exo, Paris
Après tout, ça finira par passer, 2024
Exo Exo, Paris
Adam Bilardi,
Le mensonge prend l’ascenseur et la vérité prend l’escalier, 2023
Oil on canvas
130 x 90 cm
Inquire
Adam Bilardi,
C’est entre moi et moi, 2023
Oil on canvas
34 x 27 cm
Inquire
Adam Bilardi,
Avoir plus confiance aux autres qu’en soi, impossible, 2023
Oil on canvas
130 x 162 cm
Inquire
Après tout, ça finira par passer, 2024
Exo Exo, Paris
Adam Bilardi,
Faut give up là, 2023
Oil on canvas
130 x 195 cm
Inquire
Après tout, ça finira par passer, 2024
Exo Exo, Paris
Adam Bilardi,
Les murs ont des oreilles, 2023
Oil on canvas
162 x 130 cm
Inquire
Adam Bilardi,
Tmtc on est tous déjà passé par là, 2023
Oil on canvas
38 x 46 cm
Inquire
Après tout, ça finira par passer, 2024
Exo Exo, Paris
Adam Bilardi,
Te sens pas visé, ma puce ;), 2023
Oil on canvas
33 x 41 cm
Inquire
Après tout, ça finira par passer, 2024
Exo Exo, Paris
Adam Bilardi,
Te prends pas la tête ma belle, 2023
Oil on canvas
46 x 33 cm
Inquire
*English below*
Adam a très faim. Il a les crocs.
Dans la cuisine, il s’approche des deux cuisses de poulet posées dans une assiette blanche, le gras jaune a fait des plaques gélifiées sous les morceaux.
Viande froide, palais scellé à la langue par la soif. Dans la tête, encore tous ces gens du club qui lui disent vaguement quelque chose avec dans leurs yeux des formes incertaines et tragiques.
Il prend l’assiette et la pose sur sa couette, sans couverts. Sur ses ongles enfoncés dans la viande durcie, éclats multicolores de peinture, impossibles à enlever. Le T-shirt rouge a les tâches de javel qui l’ont condamné à être porté au lit les dimanches gris et triste comme celui-ci. Les marques de gras et de soude s’y mélangent. Ça fait des auréoles sombres et claires, quelque chose comme l’alternance des nuages. Face au lit, un grand miroir. Fendu dans un coin, légèrement oxydé sur la tranche droite, immense. Dans les cernes profondes sous ses yeux, d’un bleuté sombre, quelque chose qui lui donne envie de peindre des regards de garçon.
Langue sortie, babines retroussées, canines en avant. On exorbite les yeux et on fou les lèvres en cercle de stupéfaction. Regard vers le ciel, narines comme deux trous noirs, bouche inversée vers le sol. Adam se regarde et grimace.
C’est presque énervant d’avoir un visage certains jours.
Cette nuit, le lit était vide, il a bien dormi, comme une pierre, une tombe, quoi qu’on dise après tout. Adam se dit : « J’ai bien dormi, j’aime bien dormir seul, je veux mon lit vide encore longtemps, j’ai bien dormi. » Il se dit ces phrases pour ne pas avoir à grimacer encore devant le miroir. Il y avait un garçon qui lui a susurré de grands secrets dans l’oreille hier soir, impossible de s’en rappeler, il n’est pas rentré avec lui. La solitude et la soif continuent de plaquer ses muqueuses les unes contre les autres dans sa bouche. Grande rasade d’eau, après tout, ça finit toujours par passer.
Dehors, derrière les stores de métal tirés à moitié, il semblerait qu’un soleil d’hiver brille.
Sur le mur de gauche, il a posé des toiles. Aux angles et sur les bords, on voit la peinture : les bleus glauques, les verts clinquants, les roses très chauds qui dépassent un peu. Les tableaux lui tournent le dos, face vers le mur. S’il s’amusait à les retourner — il ne le fait pas, il se les remémore de tête, suivant les indices des débordements de couleur sur les bords et aux angles — il verrait la forêt orange sanguine, les bois hallucinés qu’il peint sans trop savoir d’où lui viennent ces cèdres, arbres puant si bon, odeur terrible, résineuse de cannelle et d’agrumes, chaude et jouissive.
Un souvenir d’avant sa naissance, cartographie familiale douteuse, quelque chose d’après la mer, loin de Paris.
Après le poulet, une pomme. Juteuse, un peu trop molle. Sur sa main droite, un hématome. C’est un grand châssis qui lui est tombé dessus il y a trois jours. Il n’y a rien de plus dur à peindre qu’une main, un visage devient une évidence confondante quand on pense à peindre les doigts qui bougent. Tout est là, il voit ses peurs et ses désirs, pas besoin de lire les lignes de sa paume, tout est là, on voit tout sur les mains des gens. Pas besoin de dire des choses dans l’oreille sous la musique très forte, il aurait suffit à ce garçon de lui donner sa main.
Le jour est fort maintenant dans la chambre. Un sweat, un jean, les escaliers pour le dehors.
Il faut longer le mur de briques, marcher vers le parc pour aller les voir. Ils sont tous là sur la pelouse, chaque dimanche. Ils se battent pour de faux, les dents très blanches dans leurs gueules rosées et molles, pleines de plis et avec des langues tirées longues pour récupérer de leurs courses folles les uns après les autres, de leurs jeux de lutte interminables dans l’herbe verte à brûler la rétine.
Il y a deux braques gris aux regards translucides, un lagotto romagnolo avec sa truffe marron et ses yeux de miel, quelques teckels jappeurs et un grand bâtard dont le flanc est traversé d’une cicatrice grumeleuse, avec à gauche, une patte arrière amputée. Ils jouent tous ensemble. « Le beau temps est revenu ! » font les chiens sur la pelouse, comme une ronde ignorante de l’effondrement de tout, partout.
Le soleil est encore là, à faire fuir l’hiver. Sur sa joue, la lumière fait une chaleur, comme une gifle toute douce. C’est finalement un beau dimanche.
– Marouane Bakhti
Exo Exo a le plaisir d’annoncer ‘Après tout, ça finira par passer’, la deuxième exposition personnelle de l’artiste Adam Bilardi à la galerie.
Le travail d’Adam Bilardi s’attache aux relations humaines dans ce qu’elles ont de complexe, l’endroit précis où la situation, l’interprétation et l’émotion se mettent à glisser. C’est une blague qui tourne mal ou une relation trop fort dont on essaie de se défaire.
Dans ses chromies et ses lumières de crépuscule, sa peinture convoque ce moment limite de basculement en matérialisant autant le motif du lien sur lequel on tire jusqu’à le faire lâcher comme celui du mur sur lequel on bute avant de se retourner.
Les corps se déstructurent et les visages s’affirment et se multiplient comme autant de masques sociaux, celui de l’intime, de la représentation, de la vérité, de la dissimulation. Toujours quelque part entre l’amour vrai et la violence de la domination, comme des bras qui voudraient consoler et qui finissent par serrer trop fort, un câlin trop puissant.
Le travail d’Adam Bilardi a été exposé au Frac Ile-de-France, Romainville, 2023 ; Fondation Fiminco, Romainville, 2023 ; Imatge/Image Art Center, Orthez, 2023 ; Secci Gallery, Milan, 2023 ; Peres Projects, Milan, 2022 ; Exo Exo, Paris, 2022 ; Revolver, Buenos Aires, 2022 ; MOCO, Montpellier, 2019.
*
Adam is very hungry, he has the munchies.
In the kitchen, he comes towards two chicken legs on a white plate, the yellow grease jellified under the pieces.
Cold meat, the palate sealed by the tongue because of thirst. In the head, again all these vaguely familiar people from the club with uncertain and tragic forms in their eyes.
He takes the plate and put it on his duvet, without cutlery. On his nails sunken in the hard meat, multicoloured chips of paint, impossible to take off. The red T-shirt has bleach stains that condemned it to be worn in bed on grey and sad Sundays like this one. Traces of grease and soda mix on it. It creates dark and light halos, something like clouds alternating. Facing the bed, a big mirror. Broken in the corner, lightly oxidated on the right edge, huge. In the deep bags under his eyes, of a blue beauty, something is giving him the desire to paint gazes of boys.
Tongues out, rolled up lips, canines forwards. We bulge the eyes and we throw the lips in a circle of stupefaction. Gaze at the sky, nostrils like two dark holes, mouth inverted towards the ground. Adam’s looking at himself and grimaces.
It’s almost infuriating to have a face some days.
This night, the bed was empty, he slept well, like a rock, a tomb, whatever we say after all. Adam tells himself “I slept well, I like to sleep alone, I want my bed empty again for a long time, I slept well.”. He is telling these phrases in order not to grimace again in front of the mirror. There was a boy who whispered some big secrets in his ear last night, impossible to remember, he did not go home with him. Solitude and thirst continues to flatten his mucous membranes against each other in his mouth. A big glass of water, after all, it always ends up passing.
Outside, behind the half-shut metal stores, it seems like a winter sun is shining.
On the left wall he put two paintings. In the corners and on the sides we see the paint : the blue-greens, the flashy greens, the very warm pinks that exceed a bit. The canvases are turning their backs, facing the wall. If he tried to turn them – he doesn’t do it, he remembers them, following the evidences of exceeding colours on the sides and corners – he could see the blood orange forest, hallucinated woods that he paints without really knowing where these cedars come from, stinking trees so good, horrible smell, resinous of cinnamon and citrus, warm and enjoyable.
A memory from before his birth, eerie familial cartography, something from after a sea, far from Paris.
After the chicken, an apple. Juicy, a bit too soft. On his right hand, a hematoma. It’s a big frame that fell on him three days earlier. There is nothing harder to paint than a hand, a face becomes the confusing evidence when we start thinking of fingers moving. Everything’s here, he sees his fears and his desires, no need of reading between the lines of his palm, everything is here, we see everything on the hands of people. No need of saying things in the ear when the music is so loud, this boy only needed to give him his hand.
The day is strong now in his room. A sweatshirt, a jean, the stairs to go outside.
You have to walk along the wall to see them. They’re all here on the grass, every Sundays. They fake-fight, the teeth are very white in their soft pinkish mouths, full of folds and with their tongues stuck out far to recover after their crazy races one after another, from their endless struggle in the green grass ready to burn the retina.
There are two pointer dogs with translucid stares, a Lagotto Romagnolo with his brown nose and honey eyes, some barking dachshunds and a tall bastard who’s side is crossed by a large lumpy scar, with on the left an amputated leg. They are all playing together. “Sunny weather has come back!” are saying the dogs on the grass, like a circle ignorant of the crumble of everything, everywhere.
The sun is still here, it is making winter retreat. On his cheek, the light is giving a warmth, like a gentle soft slap. It’s ultimately a beautiful Sunday.
– Marouane Bakhti, translation Victor Garel
Exo Exo is delighted to announce ‘Après tout, ça finira par passer’, Adam Bilardi’s second personal exhibition with the gallery.
Adam Bilardi’s work is attached to human relationships in their complexity, the precise space where the
situation, the interpretation and the emotion starts to slip. It is a joke that goes wrong or a relationship too strong which we try to get rid of.
In his colours and his dusk lights, his painting invoques this tipping point while materialising the motif of the bond on which we’re pulling on until it breaks, like the one of the wall on which we stumble on before we turn around.
Bodies are destructured and the faces assert and multiply themselves like so many social masks, ones of intimacy, representation, truth or dissimulation. Always somewhee between true love and violent domination, like arms that would like to console yet end up squeezing too hard, a hug too powerful.
Adam Bilardi’s work has been exhibited at Frac Ile-de-France, Romainville, 2023 ; Fondation Fiminco, Romainville, 2023 ; Imatge/Image Art Center, Orthez, 2023 ; Secci Gallery, Milan, 2023 ; Peres Projects, Milan, 2022 ; Exo Exo, Paris, 2022 ; Revolver, Buenos Aires, 2022 ; MOCO, Montpellier, 2019.